Contamination au mercure

Contamination au mercure d’écosystèmes valaisans

En 2012, la région de Viège (Valais) découvre que ses sols sont contaminés au mercure. En cause, une pollution provoquée pendant des décennies par un acteur local de l’industrie pharmaceutique. Retour sur les conséquences de cette catastrophe environnementale.

Une crise écologique sans précédent en Suisse

À l’origine de la pollution, des tonnes d’eaux industrielles souillées que l’entreprise Lonza reconnaît publiquement avoir rejetées entre 1930 et 1976 dans le Grossgrundkanal. L’eau polluée s’écoulait sur 11 km avant de se jeter dans le Rhône.

En 2014, les analyses effectuées par l’association des Médecins en faveur de l’environnement (MfE) ont révélé des teneurs allant jusqu’à 3500 milligrammes de mercure par kilogramme (mg/kg) de terre à proximité du pont de Baltschieder, soit 70’000 fois la teneur naturelle[1], des concentrations inédites en Suisse. La dangerosité de ces valeurs est encore méconnue, bien que le caractère neurotoxique du mercure soit susceptible d’augmenter le risque d’une maladie de type neurodégénérative comme Alzheimer chez des personnes exposées à de faibles doses pendant une longue période.

Des impacts sur les modes de vie

La pollution des sols a des impacts immédiats sur les habitudes de vie des populations : dans les zones les plus contaminées, les autorités valaisannes ont décidé d’interdire « aux enfants de jouer dans les jardins et aux habitants de manger fruits et légumes de leurs potagers ».

Ce sont également les agriculteurs et les fermiers de la région qui sont concernés directement par la contamination des sols qu’ils cultivent, en plus des ouvriers qui travaillèrent sans protections pendant plusieurs mois sur un chantier à Baltschieder.

En 2016, une étude publiée par l’Université de Zurich minimisait l’influence néfaste de la pollution des sols sur la santé des habitants. Il est saisissant de constater qu’elle n’a pas pour autant levé l’inquiétude des autorités ni les interdictions édictées. La publication régulière d’études épidémiologiques restera nécessaire dans le futur pour rendre transparents les impacts sanitaires, environnementaux et économiques.


Carte :  Zones touchées par les rejets de mercure dans le canton du Valais (identifié en couleur)

La transparence promise et attendue

Les informations à disposition du citoyen manquent pourtant de transparence. En 2014, le Conseil d’état fut interpellé pour ajouter le Grossgrundkanal au cadastre valaisan des sites pollués, apostrophant directement sa responsabilité dans la gestion des pollutions.

En 2017, le rapport sur la pollution au mercure dans le Haut-Valais n’était toujours pas publié par le Conseil d’Etat valaisan, alors que les résultats devaient être rendus publics avant les élections cantonales du mois de mars. L’incident est préoccupant pour le préposé à la transparence Sébastien Fanti qui a déjà déposé un recours au tribunal cantonal le mois dernier pour que le rapport soit publié.

La Convention d’Aarhus

En 2014, la Suisse a signé la Convention d’Aarhus qui engage les autorités des pays contractants à assurer sur leur territoire « l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement ». Les citoyens valaisans sont donc en droit de demander à leur gouvernement une totale transparence sur les impacts de cette pollution environnementale.

La divulgation de données chiffrées impliquera ensuite de distribuer les responsabilités en matière d’assainissement des terrains pollués. Selon l’Ordonnance sur l’assainissement des sites pollués, les terres contaminées des propriétaires privés sont inscrites au cadastre (à partir de 0,5 mg/kg). Lorsque la teneur de la contamination est comprise entre 2 et 5 mg/kg, ce sont les particuliers qui payent les frais de dépollution et non l’entreprise pollueuse. D’une perspective de justice environnementale, la situation est problématique puisque les rejets de mercure considérés comme des externalités négatives ne sont pas pleinement répercutés sur les coûts des responsables effectifs.

Conclusion

La crise du mercure en Valais met en lumière plusieurs enjeux liés à l’impact de l’Homme sur l’environnement. D’abord, elle expose des lacunes dans le contrôle de l’activité industrielle du canton, alors que Lonza avait sciemment rejeté un agent polluant pendant plusieurs décennies.  Elle démontre aussi que la contamination des sols n’entraîne pas seulement des conséquences financières, mais modifie également des pratiques pour les habitants qui se retrouvent limités dans l’usage de leur terrain. Enfin, le manque de transparence des autorités vis-à-vis de la population sur le dossier atteste d’un manquement de l’État dans la mise en œuvre de ses obligations auxquelles il s’est engagé.

 

[1] Un sol est considéré pollué à partir 0,5 mg de mercure par kilo de terre.

 

Plus d’informations : Regardez le reportage de Myriam Gazut et Frank Preiswerk (2014) sur Temps présent
http://www.rts.ch/play/tv/temps-present/video/alerte-au-mercure–un-scandale-valaisan?id=6136840

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