Le Grand Cimetière de corail : l’Australie décevante en matière de protection de l’environnement
La Grande barrière de corail australienne, 8ème merveille du monde et inscrite au patrimoine de l’humanité, est en train de mourir. Le récif, long de 2300 kilomètres et véritable joyau de biodiversité marine, a perdu la moitié de ses coraux ces trente dernières années. Le réchauffement climatique et les activités industrielles ou agricoles côtières sont les principaux facteurs de cette désintégration accélérée.
« Dans les zones les plus affectées, les coraux ne sont plus que des squelettes »
L’année 2016 s’est avérée catastrophique pour la Grande barrière de Corail. Elle fut dévastée sur près de 700 kilomètres, perdant en quelques mois dans la partie nord près de 67% de ses coraux, selon le Centre d’excellence pour les études sur les récifs coralliens de l’Université James Cook (Queensland). « Dans les zones les plus affectées, les coraux qui étaient très colorés sont devenus très blancs. Ce ne sont plus que des squelettes et on se croirait dans un cimetière », décrit Terry Hughes, directeur du centre.
Le réchauffement climatique principal responsable de la mort des coraux
Dans un article de la revue Nature du 16 Mars 2017, quarante scientifiques tirent la sonnette d’alarme. Leur conclusion est que la mort progressive de la barrière de corail est irréversible sans une intervention « globale et urgente » pour stopper le réchauffement des eaux. Dans la partie nord du récif corallien, les températures en 2016 avaient en effet augmenté de deux degrés par rapport à l’année précédente.
Avec la chaleur de l’eau, le corail devient blanc et expulse ses micro-algues. Si la température de l’eau se maintient sur le long terme, le corail finit par mourir. En avril 2016, seulement 7% de la superficie totale du récif était épargnée par ce phénomène de blanchissement. Les catastrophes naturelles telles que l’ouragan El Niño, la pollution de l’eau ou encore la prolifération des « ancasters » (étoiles de mer dévoreuses de coraux) sont également des menaces qui planent sur la Grande barrière de corail.
La Grande barrière de corail,
située au large de l’État du Queensland
(nord-est de l’Australie), est le plus
grand récif corallien du monde
Les efforts de l’Australie pour protéger le récif jugés insuffisants
L’UNESCO[1] avait exhorté en 2015 l’Australie à prendre des mesures radicales pour la conservation de la Grande barrière de Corail. Le pays évite alors de justesse l’inscription du site sur la liste du patrimoine mondial en danger. Conscient du potentiel touristique du récif corallien (avec deux millions de touristes par an, la Grande barrière génère près de cinq milliards de dollars australiens et assure des dizaines de milliers d’emplois), le gouvernement australien s’est engagé à investir deux milliards de dollars d’ici 2025 pour protéger le précieux écosystème. En effet, la publicité néfaste impulsée par l’UNESCO entrainerait de facto une baisse importante de la fréquentation touristique, justifiait le Ministre de l’Environnement australien en mai 2016.
Le «Reef 2050 Plan», lancé en 2015, s’engage notamment à limiter l’industrialisation de la côte (contenir l’extension des ports et du trafic maritime), réguler les activités de pêche ou encore contrôler les rejets d’engrais agricoles dans la mer. Malgré des engagements non négligeables, la dynamique de ce plan ne convainc pourtant pas les scientifiques et les ONG, qui dénoncent des efforts ne répondant pas à la principale menace pour la Grande barrière : le changement climatique. « Nous pensons qu’un plan crédible doit d’abord s’attaquer au réchauffement climatique. Cela commence par une interdiction des mines de charbon », déclarait un porte-parole de l’ONG Greenpeace.
La politique industrielle australienne mise en cause
L’Australie est le deuxième exportateur mondial de charbon, et sa production d’électricité reste massivement dépendante de cette énergie fossile hautement polluante. Grâce au boom minier, l’Australie est également le seul pays de l’OCDE à avoir échappé à la récession de 2008, avec un taux de chômage ne dépassant pas le taux de 5% de la population.
En novembre 2016, le pays ratifie l’accord de Paris sur le climat et promet de réduire pour 2030 ses émissions de 26% à 28% en dessous de leur niveau de 2005. Ironiquement, le gouvernement fédéral et l’État du Queensland autorisent dans le même temps l’installation d’une mine géante du groupe indien Adani à proximité de la Grande barrière. La combustion des soixante millions de tonnes de charbon produites chaque année sur ce site devrait entrainer l’émission de cent trente millions de tonnes de gaz à effet de serre, soit plus que les émissions annuelles de la ville de New York. Un exemple parmi d’autres dans une région historiquement productrice de charbon et dont la population dépend largement de ce secteur.
Conclusion
À travers l’exemple australien, force est de constater que l’économie a, une nouvelle fois, pris le pas sur l’environnement. En impulsant des politiques environnementales de façade tout en renforçant ses propres intérêts économiques, le gouvernement australien trahit les efforts globaux de lutte contre le réchauffement climatique.
Avec la perte d’un écosystème d’une richesse inestimable, dont des milliers d’espèces végétales et animales, la disparition du récif met en lumière l’action destructrice de l’homme sur son environnement. Un signal symbolique qui pourrait laisser présager, sur le long terme, une dégradation généralisée de notre planète et une menace croissante pour nos propres conditions de vies.
[1] L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (en anglais United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization, UNESCO).